Le Rouge Levant est aujourd’hui bien plus qu’un simple mouvement artistique.
Né au cœur du processus créatif de Rikizo, il s’est élargi grâce à l’engagement de son fils Kazu, jusqu’à devenir un élan universel, un processus vivant, ouverte à tous, sans discrimination.
Ce processus intérieure, spécifique et unique à chacun, permet à celui qui parvient à dompter son feu intérieur, de matérialiser une véritable paix intérieure.


Dès 2009, lors de l’exposition au temple Kōdaiji à Kyoto, Jacques Carrio, considéré comme le second père fondateur du Rouge Levant, en posait les premiers jalons philosophiques à travers un poème visionnaire.
Par ses vers, l’abstraction prenait racine, donnant naissance à une pensée profonde, en résonance avec l’histoire et l’invisible.
Le Rouge Levant incarne l’embrasement de notre feu intérieur, une flamme intime, allumée en chacun de nous jusqu’à notre dernier souffle.
Ce feu est l’expression de la singularité de chaque existence, qu’il nous appartient d’identifier, de comprendre, d'accepter, d'assumer et de conscientiser, pour mieux la canaliser et l’attiser, selon notre libre arbitre.

Loin de n’être qu’une force de destruction, ce feu devient une énergie créatrice : une puissance de transformation intérieure, capable de faire émerger la paix à travers la maîtrise de soi.
J’ai eu la chance, depuis mon enfance, de grandir avec un second père. Lors de sa première vie professionnelle à l’ONU, mon père biologique Rikizo a rencontré un collègue de la GATT, l’ancêtre de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce).
Cet homme, Jacques Carrio, est devenu bien plus qu’un ami : un frère pour Rikizo, puis un membre à part entière de notre famille.
Pour ma mère comme pour moi, Jacques a été une présence lumineuse, un soutien discret mais fondamental, une conscience en mouvement qui nous a profondément façonnés.
C’est lui qui m’a insufflé cette manière de contempler le monde avec lucidité, bienveillance et engagement.
Sans sa présence, sans ses choix, ses efforts et ses sacrifices, le Rouge Levant n’existerait pas.

Le rôle de chacun : de mon père, de ma mère (qu’il ne faut ni minimiser, ni oublier, et qui est pour moi la plus belle, et la plus merveilleuse des femmes au monde), et de Jacques ; fut de créer les conditions d’un sentiment d’appartenance partagé.
Non pas autour d’un nom ou d’un territoire, mais autour d’une énergie plus vaste que nous : l’amour.
Cet engagement commun, sans cesse renouvelé, de s’affranchir de nos égos, ne se manifeste pas seulement dans nos consciences, mais par des actes concrets.
Seule l’action de rompre ou de nourrir le cycle de la souffrance distinguent profondément les cœurs des femmes et des hommes.

Après une carrière à l’ONU, marquée notamment par la supervision d’élections démocratiques dans le monde, comme au Cambodge en 1996, Jacques a entamé une quête intérieure, tournée vers le don, la présence, et le sens.
Sa bienveillance naturelle rayonne encore dans chaque lieu qu’il traverse.
« Très tôt présent dans l'œuvre de Rikizo, le rouge va prendre, avec le temps, une place grandissante jusqu’à supplanter toute autre couleur.
Coïncidence ou matérialisation du subconscient, cette domination semble correspondre aux soixante ans de Rikizo, anniversaire particulièrement important chez les Japonais, qui, pour l’occasion, s’habillent entièrement de rouge.

Le rouge n’est pas ici symbole de destruction, mais promesse d’avenir.
S’il est feu, il est celui qui réchauffe les corps, cuit les aliments, éclaire les logis, pas celui qui incendie, embrase et consume.
S’il est lave, il est celle qui crée les continents, pas celle qui efface les cités antiques.
S’il est sang, il est celui que verse la femme en donnant la vie, pas celui que perd le combattant blessé ou l’animal sacrifié.
S’il est soleil, il est levant, annonciateur du jour et de l’éternel renouveau, plutôt que crépusculaire, précurseur des ténèbres qui réveillent les doutes et nourrissent les angoisses.
S’il est passion, il est de celles sur lesquelles se bâtissent les relations durables, pas de celles qui meurent prématurément, asphyxiées par leur intensité.
Devenu matière autant que couleur, il crée la profondeur. Alternant le mat et le brillant en plans qui se superposent ou se succèdent, il vibre et fait naître le mouvement et, par là, la sensation de temps.

L’image du spectateur, projetée par l’œil ou par l’esprit, réalité physique ou avatar conceptuel, est mise en abyme dans un jeu de miroirs écarlates, faits plus pour orienter que pour égarer.
Balisés, ils n’invitent non pas à stopper, mais à aller de l’avant sur la voie de l’essentiel à travers un labyrinthe antinomique qui débouche sur la découverte de soi, après un parcours quasi initiatique comparable au cheminement méditatif.
Traditionnellement révolutionnaire, le rouge l’est aussi ici, moins parce qu’il s’oppose au noir – l’ordre existant – que parce qu’il incite à une remise en question vitale pour que le grand cycle se perpétue.
Loin du chaos et du conflit, la monochromie instaure l’harmonie en effaçant distance et différences.
Dans les tableaux de Rikizo, le rouge semble s’autogénérer et prendre une existence propre, en dehors des comparaisons et des évocations.
Sa présence, sa force sont telles qu’il dépasse l’anecdotique et le symbolique pour simplement être ce qu’il est :
LE rouge.

Le rouge que décrit Jacques dans son poème, résonne pour Kazu, comme ce feu intime qui éclaire nos vies jusqu’à notre dernier souffle.
Ce feu insatiable, qui embrase l’œuvre de Rikizo depuis 2007, devenu Rouge Levant, n’a jamais été un simple vecteur de création.
Il fut simultanément, un vecteur de souffrance profonde : pour lui, pour sa femme Yoko, et pour leur fils Kazu.
Sa dualité reflète l'essence même de toute création: à la fois vide et pleine de sens, active et passive, pure et remplie de souffrance.
Seule une prise de conscience inconditionnelle de cette réalité permet la matérialisation d'une paix intérieure.

En pleine crise d’adolescence, Kazu a libéré, à partir de 2003, une souffrance immense longtemps contenue.
Portée par un instinct de survie d’une intensité volcanique, cette force de vivre s’est exprimée avec violence.

Le feu qui brûlait déjà dans les toiles de son père s’est alors étendu aux liens familiaux, générant une tension permanente entre élévation et effondrement.
Cette énergie duale, à la fois créatrice et destructrice, fut partagée comme on partage une traversée : avec rage, avec amour, avec fatigue et avec foi.
Sans cette souffrance, Kazu n’aurait jamais ressenti le besoin impérieux de changer. Lorsqu’à 12 ans, il a choisi d’établir une stratégie, et de passer à l’action pour cesser cette souffrance subie et contenue depuis son entrée au collège, il a consciemment entamé un processus qui lui a permis d’acquérir une capacité d’adaptation à la douleur inhérente au monde, aux autres, et à lui-même.
C’est parce que la souffrance existe que la nécessité de grandir existe.

Ainsi, cette dualité inscrite au cœur de notre feu intérieur, à la fois source de douleur et d’évolution, doit être contemplée avec joie.
Comme tous les éléments constitutifs de notre monde, ce feu précède notre volonté.
Il ne s’agit pas de le nier, mais de l’accueillir avec respect et lucidité.
La prise de conscience de la légitimité de la souffrance est la première étape vers sa maîtrise. Ce chemin intérieur ouvre la voie à une quête de toute une vie : la canalisation de l’énergie vitale. Car la seule variable sur laquelle nous avons un véritable pouvoir, c’est nous-même.
Lorsque vous maîtrisez votre propre feu intérieur, vous êtes capable de l’attiser en fonction des dangers qui nous menacent au quotidien pour ne la laisser canalisé uniquement auprès de vos êtres chers.
Certaines souffrances ne réclament ni explication, ni réparation. Elles exigent seulement l’acceptation pleine et consciente.
C’est ainsi que naît en nous la capacité de les intégrer harmonieusement à notre vie. Mais cela demande des efforts constants, des sacrifices authentiques, et surtout du courage au cœur même de la tourmente.
Ce feu, mal canalisé, peut consumer nos liens les plus précieux, jusqu’à troubler notre propre cœur.
Le Rouge Levant, qui correspond à l'embrasement de notre feu intérieur a failli consumer notre propre famille.



En 2011, un séisme de magnitude 9,1 frappe le Japon, entraînant le tsunami de Fukushima.
Ce cataclysme a fait écho au chaos intérieur que nous vivions alors.
Et pourtant, paradoxalement, il nous a apaisés.
Comme si la violence du monde avait absorbé celle de nos cœurs.
Comme si les vagues d’eau avaient étouffé ce feu devenu incontrôlable.
Dans le silence suivant la catastrophe, le calme est revenu.
Lentement.
Et c’est uniquement grâce à la compassion inébranlable de Yoko que notre unité familiale a pu être réaffirmée, préservée et renouvelée.

La remise en cause par Kazu de son égo, crée huit ans plus tôt pour affronter sa souffrance passée, a enfin permis d’apaiser ce feu devenu incontrôlable.
En réaction à cette expérience douloureuse, Kazu a choisi de construire son identité par une négation de son égo.
Durant cette décennie tampon, Kazu a dédié son temps, son énergie et son attention à ses trois parents qui comptent plus que tout dans son cœur, mais qu’il a délaissé durant la période précédente.
Les sacrifices et la souffrance surmontés lui ont permis de devenir plus fort et disponible, pour à nouveau consacrer son existence au profit de l’amour, et des personnes qu’il aime et de qui il est aimé : sa famille et ses amies.

Cependant, l'absence d'égo dans l'existence de Kazu a rendu cette équilibre en proie à la volonté prédatrice de ses congénères.
Notre égo étant une nécessité pour la matérialisation d’une existence réellement harmonieuse dans laquelle coexiste la souffrance du monde contre laquelle notre meilleur arme est notre égoïsme, ce dernier étant une vertu.
En prenant conscience de toute la souffrance du monde, il allait pouvoir complètement s’affirmer et s’épanouir.
En 2011, à tout juste 20 ans, Kazu a bâti tout seul, et sans aucune assistance, une identité libérée des conditionnements de sa souffrance passée. Il a compris qu’il avait bâti son égo en réaction à une souffrance contre lequel il était aujourd’hui totalement émancipée grâce à la force de ses actions, de ses efforts et de ses sacrifices continues, sans n’avoir jamais abandonner, ni prêter plus d’attention que nécessaire à des distractions stimulées par le monde, et les autres existences dont le but est la non réalisation de cette paix intérieure.
La force de son feu intérieur qu’il n’a jamais cessé d’attiser lui a permis de ne pas dévier de sa direction, malgré les nombreux obstacles rencontrés en cours de route.
Aujourd’hui encore, nous nous souvenons que ce feu, s’il est maîtrisé, devient lumière.
Et que la flamme qui vacillait au bord du gouffre est la même qui, le 1er juin 1991, éclairait la naissance d’un fils, dont le prénom signifie en japonais Unité.
C’est lorsque nous n’avons plus rien à perdre que surgit en nous une énergie insoupçonnée : un feu brut, un volcan intérieur.
Cette impulsion vitale, née de l’abandon ou du seuil, permet d’intégrer la souffrance inhérente à l’existence pour enfin prendre en main son existence.
Plutôt que de fuir le présent et la réalité, la philosophie du Rouge Levant consiste à l'accueillir, pour tenter de changer sa propre trajectoire, et avoir une maîtrise sur son avenir.

Un processus nouveau est alors entamé, mais ce dernier se construit sur plusieurs années.
Les crises déclenchées en 2007 et 2021 ont débouchés sur un développement personnel considérable.
Les souffrances rencontrées et surmontées par Kazu, lui ont permis de devenir capable de s’adapter harmonieusement à notre monde, dont il est encore plus conscient de l’existence inconditionnelle de la souffrance, et de l’ignorance, qu’il ne faut non pas combattre, mais accepter.
En dépassant leur caractère contraignant, il est possible d’entrevoir une trajectoire où le libre-arbitre se révélant de plus en plus, nous maîtrisons davantage notre feu intérieur pour matérialiser un monde dans lequel nous sommes des survivants heureux.
Dans cette acceptation, nous apprenons à contempler le présent, dans des conditions de clarté et d’harmonie.
Aujourd’hui, le Rouge Levant a atteint un degré de maturité qui rend possible la participation active de tous.
Ses fondements, ses orientations, ses élans peuvent désormais s’exprimer à travers des mots, mais aussi une forme sociale nouvelle, ouverte et vivante qu'est l'association de la loi de 1901.

Le concept que j’ai progressivement formulé donne voix à ce que je perçois comme l’essence véritable du zen.
Non pas le zen galvaudé par les médias ou réduit à une esthétique de surface, mais une voie intérieure profonde, transmise à travers mon héritage japonais et mon identité française.
L’esprit critique forgé dans l’école républicaine, conjugué à l’accès à l’un des viviers culturels les plus riches du monde, m’a offert les outils pour comprendre, mais aussi pour pacifier.
Ce chemin m’a conduit à une forme de paix intérieure, née d’un dialogue entre l’intuition orientale et la rigueur occidentale, entre la quête de silence et le besoin de sens.
À travers ce projet, je propose une lecture renouvelée de l’identité humaine.
Une philosophie de l’équilibre, non pas figé mais chaotique et vivant, par lequel les notions d’équité, de justice et d’universel retrouvent leur portée originelle :
celle d’un équilibre conscient au sein du désordre.